Philippe Koenigswerther (Mandrille) – Secteur Hangar

Né le 21 juillet 1918 à Dinard (Ille-et-Vilaine) ; exécuté sommairement le 1er septembre 1944 au camp de Natzweiller-Struthof, à Natzwiller (Bas-Rhin) 

Philippe Koenigswerther alias « Mandrille« , » Genêt », « N10 » était le fils de Albert Léopold, négociant, de nationalité belge, âgé de 39 ans et de Grace King, sans profession, âgée de 33 ans. Il était célibataire. Il avait la possibilité de vivre en sécurité, riche et beau aux Etats Unis, où l’attendait un gros héritage, mais il eut la volonté, malgré la demande naturelle de protection de ses parents, de s’en détourner pour aller affronter par patriotisme les dangers encourus : « non ! moi Philippe, je refuse de m’enfuir, je suis né français et je m’engage comme soldat pour affronter la guerre ».

Phiilippe Koenigswerther a rallié les FFL et s’est engagé au sein de la 1re Compagnie d’Infanterie de l’Air.
Breveté à Ringway en avril 1941, il a suivi la formation à la lutte clandestine. Alors que la 1re CIA embarque en juillet pour le Moyen-Orient (et intègrera la Brigade SAS), Philippe et une partie de la compagnie intègrent les SR à la Station 36. (1) Il fut intégré au Bureau central de renseignements et d’action (BCRA) après sa formation en juillet 1941.
En juillet, les relations entre le général de Gaulle et le gouvernement britannique se tendirent si violemment que le service SOE reçut l’ordre de ne plus travailler avec le BCRA que pour expédier les affaires courantes. Ceci amena un retard de près de six semaines dans l’envoi de nouvelles missions
« Action ». Le BCRA ne recommença en effet les parachutages que dans la nuit du 29 au 30 août. Cette nuit-là, Lencement, sous le pseudonyme de « Cip », partit pour Vichy pour une mission technique qui fut appelée « Trombone ». Un opérateur, Philippe Koenigswerther, lui fut envoyé au début de novembre lorsqu’il eut achevé son entraînement.

Nicole Proux écrit :

« En novembre 1941, Philippe Koenigswerther, rodé pour la recherche des renseignements maritimes, est parachuté en Dordogne mais au mauvais endroit à la suite d’une erreur de pilotage. Egaré, contraint d’abandonner son poste émetteur, il cherche vainement pendant 9 mois, un contact avec les gens du service. Finalement, récupéré par le réseau Alliance, il propose à Marie-Madeleine Fourcade d’accomplir sous ses ordres, la mission que le Service lui avait confiée sur les côtes atlantiques : « Employez-moi, dit-il à Marie Madeleine Fourcade, je suis radio, je suis rodé pour la recherche du renseignement maritime, envoyez-moi là où je devrais être depuis des mois, sur la côte atlantique… ». Après confirmation de son histoire par l’IS, il devient le chef du secteur Bordeaux-La Rochelle avec l’aide de Jean Kiffer son adjoint  et le soutien de Pierre Audevie, un cheminot qui connaît bien la région . Il va créer dans ce secteur codé « Hangar » une des pièces manquantes du sous réseau « Sea Star » spécialisé dans le renseignement maritime.

Se recommandant d’un lointain cousin, Philippe Koenigswerther prend contact à La Rochelle avec Jean Godet capitaine de réserve, qui est alors un prisonnier de guerre libéré. Avant d’accepter, Godet très méfiant lui demande de lui fournir comme référence le nom de gens du réseau d’autres secteurs géographiques qu’il pourrait connaître. Il lui demande également de faire passer à la BBC un message personnel de reconnaissance (« le lapin porte des chaussettes blanches »). Rassuré par les résultats, il accepte de devenir le chef du secteur rochelais, sous le pseudonyme de « Antilope ». Il est secondé par son beau frère, le Capitaine de la Motte-Rouge (« Méhari ») responsable du centre de démobilisation à La Rochelle. Leur première mission consiste à faire le relevé du réseau de fortifications que le commandement allemand a entrepris de construire autour de La Rochelle et sur la côte. Il s’agit de surveiller l’avancement des travaux, dénombrer et situer exactement les blockhaus, déterminer leur équipement, leur but stratégique.

L’année 1943 voit le groupe s’élargir et s’organiser. Dès janvier, Philippe Koenigswerther met Jean Godet en relation avec deux grutiers des chantiers navals Delmas-Vieljeux : Frank Gardes dit « Homard » et son beau frère Louis Gravot alias « Cabillaud », tous les deux professionnellement bien placés pour surveiller les mouvements des navires de guerre et surtout ceux des sous marins à la base de La Palice. Leur beau frère commun Pierre Audevie (« Marco ») membre du réseau Alliance à Bordeaux, les a convaincus de le rejoindre dans la Résistance. Grâce à « Marco » qui est chauffeur de locomotive, Mandrille camouflé dans le tender, peut se déplacer discrètement dans tout le Sud-ouest. ».

Considéré comme un élément d’élite, l’Intelligence Service, interrogée par Marie Madeleine Fourcade, est enchanté qu’un pareil gaillard soit des leurs et à disposition par l’intermédiaire de l’Alliance. Il faut spécifier que le BCRA a donné son accord à Marie Madeleine Fourcade pour ce « transfuge » via l’adjoint du Colonel Passy, le colonel « Manuel ».

Et le massacre des sous-marins, beaucoup d’Allemands et quelques Italiens, par la Royal Navy commence au large des côtes aquitaine et charentaise. Seuls les résultats obtenus par Jacques Stosskopf, le héros de Lorient, ingénieur de la Marine, qui joue au collaborateur pour mieux renseigner les Britanniques, sont comparables.

Philippe Koenigswerther, dit « Mandrille », rend compte : « le 8 décembre (1942), des forceurs de blocus japonais et des bâtiments allemands ont sauté dans l’estuaire. Les Britanniques, une dizaine d’hommes des commandos, sont venus en Dinghy et ont posé les mines magnétiques aux bons endroits ».

Ce que Mandrille ne sait probablement pas encore, c’est que le colonel Kauffmann, son responsable,  a pris part à la fête. Ila été chargé par Londres de vérifier les informations de Koenigswerther, de C. Boileau et de leurs camarades. Les anglais ne croient pas à la présence des japonais à Bordeaux : pas possible qu’ils aient traversés tous les dispositifs de surveillance navale alliés depuis l’extrême Orient ! Par contre ils connaissaient les conditions de sécurité dans lesquelles les opérateurs radios d’Edouard Kauffmann émettent : ça se passe le plus souvent dans les champs de topinambours de son domaine de Rivaux. Et ils ont confiance en « Criquet », le nom de code du colonel.

« Radio-Topinambours » confirme que le secteur côtier a dit la vérité. La réponse d’Outre-manche tombe : « Nous faisons le nécessaire ». Edouard Kauffmann réalise que les bombardiers de la RAF vont frapper avant le déchargement des cargaisons, si précieuses pour l’industrie d’armement du Reich. Or les bateaux sont amarrés aux quais du port situé dans l’agglomération. Il fait envoyer un nouveau message : « pas de bombardement par avions. Voyez position sur quais au milieu de la ville. Trop de pertes pour population civile. Si vous bombardez, je ne vous dis plus rien ». Bien entendu il a fallu chiffrer ce renseignement, presque une prière, avec un ton un peu sec à la fin même si le colonel, surmontant sa culture Maurassienne admire maintenant le courage des peuples Britanniques.

D’habitude les anglais mettent deux jours pour répondre. Là, au bout de 10 minutes : « Ne vous fâchez pas, surtout en ce moment. Faisons le nécessaire. » On parle d’égal à égal entre Sarlat et Londres !
L’une des nuits suivantes des explosions retentissent dans la Gironde. Au lever du jour, on ne voit plus les navires japonais et allemands : ils sont au fond de l’eau.

Le Dresden et le Tannenfels
quai Carnot Port de Bordeaux.

Pas un avion, n’a été entendu dans le ciel. Les commandos ont opéré comme le racontera Mandrille à Malfonds. (Faits d’arme cité dans le bulletin  « l’Agent de Liaison » de février 1953 et dans « l’Apha » n° 126 du 4eme trimestre 2004 de l’association des anciens élèves de l’école militaire de l’Air).

Il fut arrêté le 8 décembre 1943 à la suite du démantèlement du réseau Alliance par l’Abwehrstelle et déporté sous la classification « NN » (« Nacht und Nebel »-« Nuit et Brouillard ») à destination du camp de Schirmeck (Bas-Rhin), où il arriva par le convoi du 29 avril 1944 et fut interné au block 10 avec les autres hommes du réseau.
Devant l’avance alliée les 107 membres du réseau Alliance détenus à Schirmeck, dont Philippe Koenigswerther, furent sur ordre du Haut commandement de la Wehrmacht (OKW) à Berlin, transférés en camionnette par fournées de 12 vers le camp de concentration du Struthof, où ils furent dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944, abattus d’une balle dans la nuque à la chambre d’exécution puis incinérés directement dans le four crématoire du camp, situé dans le même bâtiment.

Distinctions :
Il fut décoré de la croix de guerre 1939-1945 avec Palmes, de la croix de chevalier de la Légion d’honneur et de la médaille de la Résistance et déclaré « Mort pour la France » le 16 octobre 1946.

Rédaction Nicole Proux et association l’Alliance

Sources: Nicole Proux – MémorialGenWeb. — Wikipédia « Réseau Alliance » et « camp de concentration de Natzweiler-Struthof ». — Marie-Madeleine Fourcade « L’Arche de ¨Noé » Fayard 1968. — Auguste Gerhards « Tribunal de guerre du 3e Reich », Archives historiques de l’armée tchèque, à Prague. — « Les rues de Bordeaux » de Roger Galy mise à jour Eric Chaplain, Éditions des régionalismes 1997/2010. — « Mémoires du chef des services secrets de la France libre », colonel PASSY, ed. Odile Jacob – Sources internet diverses. — État civil – Edouard Kauffmann de Louis Morgat, Mai 2005. Famille Koenigswerther.
(1) David Portier

  • Il possède un cénotaphe à son nom au cimetière de Passy, à Paris 16e. avec une plaque portant l’inscription « à la mémoire de notre bien-aimé ».
  • Une rue de Bordeaux porte le nom de capitaine Koenigswerther.
  • Son nom figure sur la plaque commémorative de la base sous-marine à Bordeaux, sur la plaque commémorative de l’école libre des Sciences politiques, à Paris 7e et sur la plaque commémorative du camp de concentration du Struthof – réseau S.R. Alliance à Natzwiller (Bas-Rhin).

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