Camille Raynal (Briard) – Secteur Asile

Camille, Auguste, Joseph Raynal, alias « Briard » est né le 5 juillet 1868 à Moulins. D’après les notices rédigées par Jacques Corrocher dans son ouvrage « L’espace urbain et rural de Cusset à travers les âges » : ses rues, ses faubourgs, ses lieux-dits, les Amis du Vieux Cusset, 2010, p.163-166.
C’est un ingénieur polytechnicien (promotion 1888), sorti major de l’Ecole d’application de Fontainebleau (1890-1892). Sa carrière militaire l’amena en Cochinchine (1890), en Annam (1893) , au Tonkin (1898, 1904) dont il leva des cartes, au Sénégal (1900-1914) où il réalisa des travaux à l’arsenal de Dakar, puis l’impliqua dans la Première Guerre mondiale au cours de laquelle il occupa plusieurs postes de commandement dans l’artillerie de tranchée de la 10e armée et dans l’artillerie lourde du 12e corps d’armée, notamment lors de la défense du fort de Vaux (2-9 juillet 1916), de la bataille de la Somme, à la tête des chasseurs polonais. Il a aussi participé à la mise au point du mortier dit « crapouillot ». En 1920, dans le cadre de la lutte contre les bolcheviks, il dirigea l’artillerie de la 6e division de l’armée polonaise et fut élevé au grade de Général de brigade. Titulaire de très nombreuses distinctions, il se retira au n°15 cours Arloing à Cusset, où il avait épousé le 25 août 1892 Marie Françoise Josèphe Villard…Il en eut un fils, Jean (1899-1920) mort en service commandé à Bitche (Moselle), et une fille Yvonne (1894-1966), mariée à Raymond Rondeleux. Refusé en 1939, comme combattant volontaire, vu son âge, il n’accepta pas la défaite et, malgré une épouse également âgée, une fille malade et la perte de son fils en 1940, il adhéra au réseau Alliance. Le général Raynal, pour sa part, avait déjà été officiellement chargé par la municipalité de Cusset du cantonnement des réfugiés, de présider au salut au drapeau dans une école, tandis que le général Punaux-Cazer faisait de même au collège (avril 1941), à la fête de Jeanne d’Arc (1942). Alias « Briard », il remplaça dès octobre 1941 l’avocat et responsable de la «patrouille» de Vichy Jean Labrit (1914-1942), à la tête du secteur Asile pour la région de Vichy-Centre. Doyen du réseau, il installa son poste de commandement dans la station thermale à l’angle des rues de Lisbonne et de Vingré et recruta de nombreux agents qu’il hébergea à son domicile, ainsi que des postes émetteurs. Il était secondé par Pierre Magnat (1904-1943), dit « Pétoncle », chef divisionnaire de la marine marchande, qui fut arrêté à Vichy le 4 mai 1943 et fusillé au mont Valérien le 2 octobre. Mais le 2 mars 1943 « le grand, l’admirable, le tenace Briard qui n’avait pas voulu quitter Cusset, tomba victime du misérable chauffeur Chambon. Si grand était l’attachement que je lui portais que j’eus l’impression de perdre mon père pour la deuxième fois. Après lui, d’approche en approche, presque tout le secteur de Vichy s’écroula, trente-cinq personnes » (M.M.F.). Le bilan fut lourd, puisque sept hommes furent exécutés, Paul Guillebaud, dit Mouflon, abattu par la Gestapo en gare de Gannat le 17 mars 1943, et les autres déportés. C. Raynal, lui, transita par les prisons de Moulins et de Fresnes, avant d’être dirigé sur la prison militaire de Fribourg-en-Brisgau. Là, fut mis en place une cour martiale exclusivement pour juger les membres Alliance ; si le procès se déroula selon un ordre apparemment légal avec lecture des dépositions par le président, le réquisitoire de l’avocat général, plaidoirie des avocats commis qui s’efforcèrent de mettre en exergue le patriotisme pur et la qualification militaire des accusés, la sentence, prévisible, fut la peine capitale. C. Raynal fut gracié – 76 ans – au moment de marcher au supplice et transféré à la forteresse d’Ebrach en Bavière, où il mourut quelques mois plus tard des suites des infâmes traitements qui lui étaient infligés : « les geôliers l’obligeaient à rester au garde-à-vous, nu, la nuit, dans la neige ». Il mourut à 76 ans le 25 janvier 1945.

Marie-Madeleine Fourcade ne tarit pas d’éloges à son sujet, le considérant, avec sa « carrure qui est bien celle des Joffre et des Castelnau, comme « l’un des plus remarquables spécialistes du renseignement… », Un chef de tout premier ordre, qui avait, par exemple, dressé la liste par numéros de tous les navires ennemis ancrés dans les ports de l’Atlantique (Brest, Lorient, Cherbourg), afin de signaler leurs déplacements. Il avait dissimulé chez lui un poste émetteur avec l’aide de son jardinier Satrin, rédigeait ses notes sous la forme de calambours dans une langue mi-bretonne (sa langue maternelle), mi-polonaise (suffisamment maîtrisée lors de sa mission de 1920).
Il fut proposé par le réseau pour la croix de la Libération avec la citation « Chargé d’intensifier le recrutement des spécialistes, a procuré au Réseau des agents remarquables à Paris, dans les zones côtières, à Vichy […]. A réorganisé le réseau du Centre, lui donnant une impulsion nouvelle et communiquant à tous sa flamme et sa foi en la victoire. Prenant autant de risques qu’une simple estafette, circulant de nuit et de jour, malgré son âge, abritant à son domicile et chez ses fidèles compagnons postes émetteurs et agents traqués, a constitué pour le réseau un point d’appui essentiel pendant près de deux ans. S’étant compromis avec beaucoup d’abnégation pour sauver le chef du réseau incarcéré, sur le point d’être livré aux Allemands, depuis longtemps repéré et recherché par eux, a été arrêté par la Gestapo. Relâché faute de preuve, a refusé de s’enfuir pour ne pas dévoiler l’action en cours. Repris, a été condamné à mort par le tribunal militaire de Fribourg, faisant l’admiration de tous par son extraordinaire force morale. Est mort à la prison d’Ebrach (Bavière) le 5 janvier 1945 à 76 ans et demi. Très belle figure de soldat, le général Raynal est de ceux qui, n’ayant jamais désespéré, ont fait que la France a vaincu ».

La mention « mort pour la France » est apposée le 12 décembre 1946 à la demande du Ministère des anciens combattants et victimes de guerre.

Source : MM. Fourcade, L’Arche de Noé / Centre International d’Etudes et de Recherches de Vichy sur l’Histoire de la France de 1939 à 1945.

Laisser un commentaire