Alfred Jassaud (Bison) – Secteur Ferme (Caen/Evreux)

Né le 30 janvier 1920 à Marseille, Alfred Jassaud alias « Robert Darsac » (il avait cette fausse identité au moment de son arrestation) ou « F10 » , fait ses études à Marseille , son père était un ancien fusillier marin (blessé à la bataille de l’Yser en 1914/18). Alfred Jassaud était un jeune bourgeois, scout Cœur vaillant, féru d’Histoire, poésie, théâtre et littérature classique. Il s’engage au début de la Seconde Guerre Mondiale et il est affecté à un régiment de méharis en Algérie, où il reste jusqu’à l’automne 1942.

Démobilisé à Toulouse, il fait la connaissance du capitaine d’aviation Crémieux (« Alligator »), du réseau « Alliance », qui va le convaincre de se joindre à l’organisation. Envoyé à Paris en octobre 1942 pour y prendre contact avec le chef de cette zone, Alfred y rencontre Gaveau (« Tatou »), un ancien officier interprète français formé par les service anglais. Celui-ci va le former aux fins de reconnaître uniformes, armes, grades, unités d’appartenance des soldats de la Wehrmacht et lui confier des missions de repérage sur les casernes de la capitale. Admis dans l’organisation « Alliance », Alfred Jassaud, désormais « Bison », bénéficie de faux papiers. L’ayant repéré pour ses compétences, l’organisation le charge de la formation des nouveaux agents, une quinzaine au total. Pour ce faire il effectue de nombreux voyages à Lille, Vichy, Marseille, Saint-Die, transportant documents et postes de radio à diverses occasions. De mars à juillet il se rend au Havre, à Caen, Granville, Coutances, Saint-Lô, Lisieux, Flers, Vire et devient l’agent principal de renseignements de la zone Normandie. De toutes ces villes, il rapporte des plans et des informations sur les unités présentes, les fortifications, les terrains d’aviation et les systèmes de défense mis sur pied sur les plages et dans les falaises. En août de la même année il s’installe rue Duban, à Paris, mais effectue des allers-retours quasi hebdomadaires à Lille.

Au retour d’une mission de repérage d’un aérodrome dans l’Eure il est arrêté à Paris, le 17 Septembre 1943. La fausse carte d’identité, ainsi que des fausses cartes d’alimentation découvertes dans les doublures de sa veste, vont sceller son sort. Pourtant, malgré des investigations poussées, la police ne réussit pas à établir la véritable identité de « Robert Darsac ».

La gestapo de Strasbourg rassemble les pièces du dossier pour les transmettre au Tribunal de guerre du Reich. Transféré en décembre 1943, via le camp de Compiègne, à Fribourg-en-Brisgau, c’est sous la fausse identité « Robert Darsac » qu’Alfred jassaud est jugé le 9 juin 1944 par le 3e Senat présidé par le juge Schmauser, et condamné à mort pour espionnage.

Le jugement est confirmé le 26 juin à Torgau, et la grâce du fürer lui étant refusé le 17 juillet 1944, Alfred Jassaud est exécuté le 21 Août 1944.

La phrase que l’Histoire retiendra de lui, « la victoire, c’est le sacrifice », est aussi le titre d’un livre écrit par son neveu, Philippe Jassaud, qui, enfant et adolescent, écoutait sa grand-mère lui parler de son oncle Alfred. Un fils aîné dont elle n’a jamais fait le deuil, le croyant prisonnier en Russie ou travailleur pour le Deuxième bureau français (les services de renseignement). « Tous les soirs, elle me faisait prier pour le retour de son fils », se souvient Philippe Jassaud.

À sa mort, Philippe Jassaud hérite de la valise de son oncle contenant ses vêtements de prisonnier et cinq carnets emplis de ses impressions datées, où rêves, colères et illusions déçues se succèdent selon les périodes de sa courte vie.

Sans ménagement, Alfred Jassaud se raconte, oscillant entre la foi en Dieu, parfois jusqu’au mysticisme, son éternel manque d’amour féminin et un insatiable besoin d’héroïsme patriotique. Réflexions fortes sur les femmes, la mort, la politique, la religion ressortent de ses écrits. Régulièrement, le résistant s’autocritique et mûrit au gré des carnets où les phrases radicales, racistes, violentes du début font place à des morceaux de philosophie poignants, suite à des rencontres et séjours à l’étranger.

Alfred Jassaud était un grand poète, épris de culture. À 17 ans, il publiait des textes dans le journal « Les Echos ». « Il serait certainement devenu un grand journaliste. La guerre en a décidé autrement », déplore Philippe Jassaud, un de ses descendants, fier de son oncle, son héros.

Invités à la commémoration des 70 ans de l’assassinat des résistants du réseau Alliance et à celles du 30 août à Heilbronn (Allemagne), Philippe et Mado, son épouse, ont rencontré, par hasard, Guy Caraes, écrivant un livre sur les résistants engagés en Bretagne. « Il nous a donné envie de savoir pourquoi ce jeune bourgeois royaliste était entré dans la Résistance. Nous avons donc repris ses cahiers et, au fil des pages, il est apparu que ce jeune garçon, puis adulte, tourmenté il est vrai, avait un amour immodéré pour la France, sa France », explique Philippe Jassaud. Afin de ne pas trahir la pensée et faire comprendre les émotions de son oncle, l’auteur a retranscrit mot pour mot les écrits de celui dont « certaines de ses idées auraient peut-être pu éviter bien des conflits »

Rédaction Association l’Alliance

Nota: il y a une évocation d’un résistant dont l’alias est « Bison » dans l’excellent le film « l’Armée des Ombres » de Jean Pierre Melville. Il est peu connu que Jean pierre Melville a été lui même agent au BCRA de de Gaulle pendant la guerre et donc connaissait sans doute l’existence du réseau « Alliance ».

Sources :

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